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PHYSIOLOGIE
DES PASSIONS.
TOME I.
A PARIS,
UE L’IMPRIMERIE DE CRAPELET,
RUE DE vàttgirard, N°^g.
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FMHTISMC®
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PHYSIOLOGIE
DES PASSIONS,
NOUVELLE DOCTRINE
DES SENTIMENS MORAUX;
PAR J,-L. ALIBERT,
CHEVALIER DE PLUSIEURS ORDRES, PREMIER. MEDECIN ORDINAIRE DU ROI, PROFESSEUR A LA FACULTE DE MEDECINE DE PARIS,
MÉDECIN EN CHEF DE l’hÔPITAL SAINT-LOUIS, ETC.
SECONDE ÉDITION,
REVUE, CORRIGÉE ET AUGMENTÉE.
TOME PREMIER.
. .4
A PARIS,
CHEZ BÉCHET JEUNE, LIBRAIRE,
place de l’école de médecine , n° f\.
A BRUXELLES,
AU DÉPÔT GÉNÉRAL DE LA LIBRAIRIE MEDICALE FRANÇAISE.
M. DCCC. XXVII.
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I
CONSIDERATIONS
PRÉLIMINAIRES
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE,
Pour connaître l'homme, il faut le cher- cher dans son âme, et non dans les orga- nes materiels de son enveloppe corporelle. C’est, en effet, dans le fond de Famé que se trouvent les plus hautes comme les plus sublimes doctrines de la philosophie hu- maine. Les fondemens de la morale y reposent ; les principes immuables de nos devoirs y sont écrits en caractères sacrés.
Les médecins surtout ne doivent pas res- ter étrangers à cet ordre de recherches ,
i.
a
ij CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
puisque les philosophes de tous les siècles n’ont cessé de s’y livrer 5 puisque Platon dit expressément que le corps humain n’est qu’un instrument harmonique propre à ré- fléchir, à imiter, à reproduire les phéno- mènes de l’âme ; puisque les poètes , les sculpteurs , les peintres , les musiciens ne doivent leurs compositions admirables qu’à l’étude profonde qu ils ont faite des senti - mens moraux.
Le système sensible est l’appareil le plus surprenant que nous présente l’organisa- tion de l’homme \ ses nombreux résultats se dérobent, pour la plupart, aux yeux du corps j mais nous n’en sommes pas moins spectateurs intellectuels de ses phé- nomènes incompréhensibles. Nous aimons à pénétrer, à suivre les divers actes de cette sensibilité merveilleuse qui offre tant de
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
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UJ
problèmes à l’esprit humain ; car, dans l’étude de la philosophie, le plus étonnant mystère pour l’homme est, sans contredit , l’homme lui-même,
L’homme est le seul être vivant qui se recueille par la réflexion , qui assiste , pour ainsi dire , aux propres opérations de son entendement; qui voit couler ses pensées comme les flots de la mer; qui se blâme ou s’approuve, se condamne ou se loue; qui affranchit lui-même ses idées de tout ce qui peut en entraver la marche; qui creuse à chaque instant de nouveaux sen- tiers dans le domaine de l’intelligence ; qui garde et accumule, en quelque sorte, les trésors de ses méditations. Que d’efforts néanmoins , que de tentatives ne faut-il pas pour estimer toute l’étendue de notre rai- son , pour la débarrasser de tous les nuages
IV
CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
qui la cachent aux esprits vulgaires, pour mettre dans tout son jour le grand système des passions humaines !
On n’est pas plus d’accord aujourd’hui qu’on ne l’était autrefois sur les vérités philosophiques. La plupart de nos méta- physiciens ressemblent plutôt à des secta- teurs qu’à des savans : ils se séparent et se rassemblent par groupes pour se déclarer la guerre ; ils se combattent au milieu des ténèbres et sans point d’appui ; ils ne ces- sent de se harceler par des contestations aussi futiles que chimériques. Comme ils luttent dans l’obscurité , ils s’imaginent qu’ils se blessent alors même qu’ils ne se touchent pas. Les géomètres , les physi- ciens, les médecins surtout s’amusent beau- coup de leurs divisions, et de leurs victoires fantastiques.
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
V
L’homme doit être considéré comme un être raisonnable jeté dans l’espace, pour y subir la loi inexorable du temps, pour y être continuellement à la merci des pres- tiges et des illusions de la vie. Ce n est qu’a- près avoir long-temps médité sur la grande énigme de l’existence, qu’on peut assigner au corps et à lame les fonctions qui leur appartiennent * ce n’est qu’après une longue habitude de l’observation , qu’on parvient à approfondir les lois de la conscience , qui sont aussi naturelles, aussi inhérentes au système sensible, que les impressions de la vue , de l’ouïe , du goût et de l’odorat.
Quand on fait l’histoire de l’aigle, dit un écrivain philosophe , on a soin de parler de l’élévation de son vol, de la portée incompréhensible de sa vue, de son agilité extraordinaire , pour saisir une proie , etc. 5
vj CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
quand il s’agit de l’homme , il importe donc de signaler le pouvoir qu’il a d’étendre ses moyens de conservation et de bonheur; il convient de faire mention de son penchant à aimer ses semblables , à étendre le cercle de ses relations, de son aptitude à expri- mer ses désirs et ses volontés. Il faut dé- crire toutes les émotions dont il est suscep- tible , quand aucun obstacle ne le détourne de ses fonctions^
Mais c’est surtout au milieu des hommes civilisés et qui ont profondément senti toutes les influences , que le philosophe doit pro- céder à ses études sur la physiologie morale. En effet, si nous voulions procéder à la recherche des phénomènes purement phy- siques, que nous apprendrait lanatomie sur des organes qui n’auraient jamais été exercés? l’œil qui n’aurait pas été frappé
suit LE SYSTÈME SENSIBLE,
Viî
par la lumière , Fouïe que les rayons so- nores n’auraient point atteinte , pourraient- ils révéler des faits intéressans à l’obser- va'teur ?
Pour bien estimer le flux et le reflux de nos passions, sachez donc considérer l’homme dans tous les états , dans toutes les conditions, dans tous les rangs, parmi tous les intérêts qui l’agitent , au milieu de toutes les contrariétés dont il est sans cesse l’objet. Sachez le suivre dans tous les com- bats qu’il livre à ses pareils ou à lui-même j apprenez à le voir tour à tour vainqueur ou esclave de ses sens, tantôt attiré par la sympathie, tantôt repoussé par la haine, tantôt épuré par ses vertus, tantôt abruti par ses jouissances ; dans l’état de guerre ou dans la paix, analysez avec discerne- ment tout ce qui le trouble, tout ce qui le
VÜj CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
rassure , tout ce qui l'afflige , tout ce qui le console.
L'homme n est ni déchu ni perfectionné ; examinez les pays et les siècles, vous les verrez pencher alternativement vers la ci- vilisation ou la barbarie. La nature hu- maine a ses momens d’éclat et ses éclipses ; tout disparaît, tout renaît. Ce qu’on a dit de la condition primitive de l’homme tient un peu de la rêverie et de l’esprit d’hypothèse. S’il était permis de considérer l’espèce hu- maine tout près des sources de son exis- tence , on verrait que , si elle n’a pas tou- jours eu les mêmes acquisitions, elle a eu néanmoins les mêmes penchans , les mêmes aptitudes.
La méthode est le rameau d’or qui nous conduit dans les profondeurs incommensu-
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
IX
râbles de la pensée ; 011 peut la comparer à ces talismans que les poètes donnent aux
héros pour les retirer des embarras les plus
&
périlleux. La vie d’ailleurs est si courte pour l’étude de la philosophie , qu’il faut mettre un grand prix à tout ce qui nous abrège les procédés de notre raison.
Toutefois l’homme qui est vivement in- spiré ne demande point qu’on donne des règles à son esprit; il n’a besoin ni d’in- strumens ni de leviers pour accroître les forces de son entendement, pour en facili- ter l’application. Le génie a des ailes pour franchir les intervalles ; c’est en se jouant dans toutes les directions, c’est en s’éle- vant jusqu’aux cieux que l’aigle mesure toutes les hauteurs de l’espace, et qu’il ar- rive toujours où il veut atteindre. 1
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Leibnitz dit avec raison que celui qui ne connaît point
X
CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
Quand Descartes viendrait me dire qu’il doit toute sa supériorité intellectuelle à la
méthode qu’il a suivie, je ne le croirais
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point. Les esprits naissent inégaux; il en est de si pauvres et de si défectueux, que les idées s’y rangent sans harmonie et sans la moindre liaison ; donnez des béquilles
encore la théorie d’un art est plus capable d’y faire de véri- tables découvertes que celui qui en connaîtrait déjà tous les principes. En effet, le moyen d’inventer et de pénétrer dans des routes inconnues, c’est de marcher sans guide et loin des sentiers de la routine ; on approfondit davantage les sujets ; je dirai plus, on voit les choses sous un aspect absolument nou- veau. Cette vérité s’applique à tous les genres de composition littéraire. Restaut, d’Olivet, Domergue, étaient médiocres dans l’art d’écrire ; et pourtant ils avaient étudié plus long- temps la grammaire que Racine. En général, les beautés du style tiennent à des qualités d’imagination et de génie qui
placent au-dessus de toutes les méthodes l’homme qui pense avec sagacité et profondeur. Un très savant professeur de phy- sique , M. Charles , me disait que , dans ses conversations fami- lières, il n’avait jamais pu inculquer à Grétry certaines règles d’acoustique ; la même chose lui arriva lorsqu’il entreprit de faire un cours sur le même objet à Méhul et à quelques autres musiciens , d’ailleurs très dignes de leur célébrité.
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE. xj
à un individu estropié , il marchera , mais moins vite que celui qui aura tous ses mem- bres. Vouloir communiquer à une multi- tude d’esprits la même étendue, la même capacité, est certainement une absurde en- treprise ; c’est comme si l’on avait la pré- tention d’imprimer la même légèreté , la même dextérité à des gladiateurs qui com- battraient dans une arène.
Jean Huartez a composé jadis un livre très piquant sur la différence des esprits. Hippocrate d’ailleurs n’a-t-il pas dit quelque part que l’intelligence humai ne est à l’instruc- tion ce que la terre est à la semence ? Il est des aptitudes originelles , il est des organisa- tions privilégiées qu’il n’est pas permis de méconnaître : l’art peut bien frayer la route de la science ; mais c’est la nature qui donne le pouvoir de la saisir et de la coin-
xij CONSIDERATIONS PRÉLIMINAIRES
prendre. Cette prééminence de certains es- prits est si évidente, qu’il serait déraison- nable de la contester j il n’appartient à per- sonne de créer la trempe de son génie 5 il la reçoit d’en-haut.
L’exemple et la culture morale peuvent sans doute influer sur la perfection et l’acti- vité de l’esprit humain 5 mais aveG si peu d’avantage, que presque toujours les con- naissances qu’on veut y introduire par force n’y prospèrent point ou rapportent peu de fruits. Celles qui viennent naturellement et sans contrainte y sont au contraire d’une grande vigueur, et obtiennent un accroisse- ment rapide.
Le système sensible a une multitude de qualités imperceptibles, qui sont un sujet inépuisable de méditation, et qu’on ne
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE, xîij
connaît jamais à fond ; on remarque même que ces qualités n’ont le plus souvent aucun rapport avec l’harmonie plus ou moins ap- parente de notre organisation physique; c’est ainsi que l’homme faible de corps pense quelquefois plus rapidement que l’homme robuste ; l’hypocondriaque a les yeux du lynx, l’oreille de la taupe, etc.
4
Il est des esprits abondans et féconds, mais qui manquent de rectitude ; il en est qui procèdent avec une étonnante vitesse, mais qui s’arrêtent au moindre obstacle ; il en est d’autres qui n’avancent qu’à pas de tortue, mais dont aucune puissance ne saurait em- pêcher la marche : ils vont lentement, mais ils vont toujours ; leur force, comme l’a dit Ferguson, ressemble à l’action d’un ressort qui presse insensiblement tout ce qui lui résiste.
Xiv CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
Il est même curieux de voir comme chaque esprit se sert par préférence dune faculté particulière de l’entendement : les uns de l’imagination, les autres de la mé- moire , etc. Les passions qui nous agitent n’influent pas moins sur la nature de nos conceptions intellectuelles. L’homme cultivé fait passer en quelque sorte toute sa consti- tution morale dans ses écrits ; il y met ses habitudes , ses goûts , ses inclinations ; on y retrouve jusqu’à la sécheresse de son cœur, jusqu’à la faiblesse de son caractère.
C’est 9 du reste , dans leur ensemble qu’il importe d’étudier tous les attributs du sys- tème sensible ; car, dans le travail de la pensée, toutes les facultés de l’esprit s’entrai- dent réciproquement 5 elles agissent toutes de concert pour le complément de notre nature intellectuelle 5 elles se vivifient par
S [JR LE SYSTEME SENSIBLE.
XV
leur réunion 5 elles ne sont rien si on les isole. Que ferait la mémoire sans l’office de la réflexion ? et que ferait la réflexion sans l’office de la mémoire ? C’est ainsi que dans le corps humain les diverses fonctions se prêtent un secours mutuel. On pourrait aussi démontrer comment les émotions et les impressions plus ou moins fortes du système sensible s’associent également dans un ordre digne d’admiration ; comment le chagrin produit la colère ; comment la colère en- gendre la haine ; comment la joie fait naître l’amour.
Bossuet a énoncé une profonde maxime en insistant sur la nécessité de rallier la physiologie humaine à la morale. Il pensait que l’union de ces deux sciences était la véritable philosophie \ La morale, en effet,
Traité de la Connoissance de Dieu et de soi-mème.
xvj CONSIDERATIONS PRÉLIMINAIRES
ne prospère , ne s’étend, ne s’inspire que par le sentiment • il faut la faire aimer pour la faire comprendre. Les raisonnemens spécieux dont on l’environne ne servent que trop souvent à en dégoûter. L’homme ici- bas n’est vivement frappé que par des faits ou par des images.
C’est le sentiment qui met, pour ainsi parler, le feu à nos idées, et nous arrache à l’aridité des abstractions. D’une autre
part , la philosophie ne doit donner à l’âme
#
que des dispositions graves et sérieuses 5 elle doit tendre aux plus hautes vertus pour mieux mériter la vénération des mortels.
L’homme est mu manifestement par deux ordres de phénomènes intellectuels : les premiers s’opèrent par le ministère des sensations ; les autres dérivent du foyer de
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
xvij
lame, source véritable de nos plus vives jouissances ; les uns s’exercent dans le monde extérieur, les autres se rattachent à ce qu’on nomme la vie intérieures Il y a deux sortes d’idées dans notre nature : les idées acquises , et les idées inspirées 5 celles qui tiennent aux circonstances de notre conservation corporelle , et celles qui nous ramènent à l’ordre général établi par le Créateur.
Indiquons séparément ces divers attributs ou facultés élémentaires de notre entende- ment, qui s’appliquent à toutes nos manières de penser et de sentir ; aucune étude ne me paraît plus importante ; elle convient à toutes les conditions de la vie. Nos poètes vont tous les jours réchauffer leur verve dans des fables et des allégories mytholo- giques ; mais ils arriveraient à des peintures
b
T.
Xviij CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
plus attrayantes, s’ils suivaient d’un œil attentif les mouvemens des passions des hommes : les grands traits qui nous tou- chent le plus sont ceux qu’on emprunte au cœur humain.
i
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE;
XIX
DE LA VIE EXTÉRIEURE DU SYSTEME SENSIBLE, ET DES ATTRIBUTS INTELLECTUELS QUI SY RATTACHENT.
L’homme est fait pour posséder le inonde
physique , puisqu’il sait en jouir en le
contemplant : nul être d’ailleurs n’a plus
étendu que lui l’empire des sens extérieurs.
Inintelligence humaine est un miroir où
viennent se peindre , par une inconcevable
♦
magie , les merveilles innombrables dont se compose l’univers; le brillant organe de la vue, celui de l’ouïe, de l’odorat, etc., sont en quelque sorte les avenues de cette âme immortelle, qui est à chaque instant modifiée par la présence des corps qui l’en- vironnent.
L’homme est le seul confident des se-
XX
CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
crets de la nature; car jamais la brute ne porta un œil curieux sur le dessein des œu- vres de la création. Les animaux ne con- naissent ni le mécanisme, ni le but, ni la cause finale des choses visibles : ils n’ont ni les organes appropriés à la culture des arts, ni l’intelligence qui dirige ces orga- nes. Il est pourtant vrai que la plupart d’entre eux ont des sens plus fins et plus déliés que ceux de l’homme ; mais l’homme a la facilité de se les approprier : l’odorat du chien lui appartient , ainsi que la vitesse du cheval , pour ses besoins artificiels ; il faut donc regarder comme une preuve de la supériorité de l’homme sur les autres créatures, le privilège qu’il a détendre à l’infini ses désirs et ses besoins, d’embellir sa vie et d’accroître ainsi ses jouissances.
L’homme est naturellement avide de tous
SUR LE SYSTEME SENSIBLE.
XXJ
les phénomènes qni se passent en dehors de son esprit ; il est à la poursuite de toutes les impressions : ses pensées ne sauraient rester cachées dans son sein ; il faut qu’il les exprime : il s’efforce à chaque instant d’agrandir l’horizon de cette vie extérieure qui fait ses délices ; il y cherche conti- nuellement la fortune, la gloire, le bon- heur: il a d’ailleurs le besoin d’être conti- nuellement affecté par les couleurs , par les sons, par les odeurs, par les saveurs, quand ses organes se trouvent dans les conditions requises pour ces divers genres de per- ceptions.
Rien n’est plus pénible pour l’aine que l’inactivité des organes des sens, et les mou- vemens qui s’effectuent d’une manière trop lente sont d’un poids insupportable pour l’existence. Les voyageurs anciens nous rap-
XXI | CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
portent fabuleusement qu’on a vu des dauphins , au son d’une musique mélo- dieuse, venir, à la surface des eaux, s’agi- ter en cadence , imiter les mouvemens de ceux qu’ils voyaient danser sur le rivage , charmés à leur tour d’attirer l’attention des spectateurs : telle est l’image du monde sensible , oii les hommes arrivent à Fenvi pour s’exciter mutuellement à vivre , pour comparer leurs forces, pour mesurer leur capacité intellectuelle ; ou chaque être de la création est sans cesse influencé par tout ce qu’il aperçoit, par tout ce qu’il entend, par tout ce qu’il touche,
ARTICLE PREMIER.
UE LA CURIOSITÉ.
C’est ainsi que nous désignons cet attri- but particulier de notre système sensible , qui nous porte à nous enquérir sans cesse
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE. XXÜj
de ce que nous ignorons } ce penchant de lame à diriger son activité vers toutes les choses qui sont susceptibles d’affecter nos organes extérieurs : c’est une faculté très simple , dans son action comme dans ses effets. Tout ce qui est nouveau pour la vue , pour l’oreille, pour le goût, l’excite avec plus ou moins de force : c’est le premier mobile de l’être qui fait l’essai de la vie. Il est essentiel de remarquer que ce mouve- ment devance toujours celui de l’attention : cette affection inconstante vole d’objet en objet 5 elle agite continuellement l’existence j mais elle repousse le plus souvent ce quelle connaît , et qu’on lui a présenté plusieurs fois.
Les plaisirs que donne la curiosité sont innombrables. Suivez et examinez cet ar- dent naturaliste parcourant les prairies , gra-
XXIV
CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
vissant les montagnes , pénétrant dans tous les réduits solitaires, éprouvant à chaque heure îes plus délicieuses extases, les plus vifs ravissemens ; une loupe à la main, s’émerveillant sur une plante ou sur un insecte. Ainsi la curiosité influe sur le bonheur de celui qui se livre à ces contem- plations attrayantes.
La curiosité est le premier attribut du système sensible, la première faculté ac- tive de notre entendement. J’ai déjà dit qu’il ne faut pas la confondre avec l’attention , quelle précède ou quelle détermine. En effet , elle ne cause aucune impression per- manente; elle ne fait qu’effleurer les sur- faces : Inattention , au contraire , comme on le verra plus bas, s’arrête et se concentre dans un même objet ; elle ne s’en détache souvent qu’avec difficulté. Les enfans sont
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXV
curieux à l’excès •, mais leur mobilité natu- relle les empêche d’être attentifs.
La curiosité suppose peut-être le don de pressentir, en quelque sorte , les avantages de l’objet vers lequel elle se dirige ; car on observe que les sauvages sont très rarement agités par cette passion , à moins quelle n’ait pour but une utilité réelle : c’est ainsi qu’ils se montrent indifférais pour les plus beaux de nos arts et le luxe de notre civi- lisation , dont ils n’ont que faire ; mais ils voient avec un plaisir extrême le so- leil, les fruits des arbres, le gibier des fo- rêts, les flèches, les haches, en un mot tout ce qui sert à leur usage et à leur entretien journalier.
Plutarque , en sa qualité de moraliste , insiste sur l’abus que l’on fait de la curio-
XXVj CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
sité, passion si voisine de la malignité et de lenvie ; il présente sous plusieurs points de vue ce phénomène intéressant du sys- tème sensible : il donne des conseils pour le diriger et l’ennoblir.
La curiosité, qui tient au besoin d'être ému , est si impérieuse pour l’homme , qui! se livre à des luttes , à des combats ; quil s’expose à la mort pour la satisfaire. Les animaux , du moins , ne se tuent point pour
se repaître du spectacle de la nature ; chacun
(
d’eux la voit à sa guise et comme bon lui semble. Malgré ces écueils, la curiosité n’en est pas moins le don le plus précieux que le Créateur ait fait à l’espèce humaine , quand elle n’en use point à son propre détriment.
SIJH LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXV IJ
ARTICLE IL
DE L’ATTENTION.
L’étymologie du mot qui sert à désigner cet attribut nous éclaire déjà sur ses mer- veilleux phénomènes ; ce mot exprime la direction de notre organe intellectuel vers un point quelconque , vers un objet qui se trouve dans la sphère de notre intelligence, et par conséquent à notre portée 5 c’est l’œil de la pensée que l’on fixe : c’est, comme le dit un célèbre académicien , l’image de l’arc tendu vers le but que l’on veut atteindre. Je doute qu’on puisse recourir à une comparai- son plus juste pour caractériser cet acte particulier de notre entendement.
L’attention n’est point, comme on Fa prétendu, la faculté première du système sensible : car on est curieux avant d’être
XXViij CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
attentif ; mais cette faculté bien conduite n’en est pas moins une des plus grandes puissances de l’esprit humain : elle embrasse alternativement les plus énormes masses et les plus minces détails * un profond méta- physicien la compare à la trompe de l’élé- phant, qui tour à tour arrache au chêne ses robustes rameaux, et relève de terre une paille imperceptible.
L’attention remplit mieux son but quand une vive curiosité la devance. Les physiolo- gistes ont néanmoins déterminé plusieurs circonstances qui rendent cette faculté plus active ; telle est celle d’une impression forte produite sur le système nerveux : c’est ainsi qu’un coup de tonnerre, un tremblement de terre , l’éruption d’un volcan , l’apparition d’un météore, etc., écartent en quelque sorte toutes les sensations pour n’attacher
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXIX
l’esprit qu’à une seule. Ce que nous appelons le sublime dans les productions des beaux- arts , est également très propre à concentrer notre attention par l’extrême surprise qu’il nous cause 5 la surprise, en effet, est un des plus vifs sentimens qui puissent entrer dans notre âme : elle peut aller jusqu’à produire l’extase , qui n’est qu’une sensation ou une idée assez forte pour suspendre toutes les autres. A cette théorie se rattache le phéno- mène de la distraction, état habituel de certains individus qui laissent errer leur esprit dans le vague de la rêverie et d’une contemplation incertaine.
» .
L’attention suppose un esprit fin , persé- vérant et dispos. Chez certains aliénés il est facile de voir que cette faculté est nulle : ces sortes de malades sont assiégés par une multitude d’idées incohérentes; malgré leurs
XXX
CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
agitations , ils ri ont aucune conscience cTeux- mêmes; ils ne peuvent ni recueillir, ni coor- donner leurs idées : ils ont les yeux ouverts et ne distinguent point les objets ^ la mu- sique même ne saurait ébranler leur tympan. 1
Souvent Inattention s’attache à un seul ob- jet sans qu’elle puisse, en aucune manière,
1 M. le professeur Esquiro! a fait des remarques aussi in- génieuses que positives sur ce point intéressant de psychologie ; il a démontré , par exemple , que chez les aliénés , il y a tantôt divagation de l’attention , ainsi qu’on l’observe dans les trans- ports de la manie furieuse ; tantôt concentration de l’attention, comme dans les idées fixes de la monomanie ; tantôt faiblesse ou défaillance de cette meme faculté, comme il arrive dans cet état du cerveau communément désigné sous le nom de démence. L’un de nos plus illustres maîtres , feu le docteur Pinel , s’était rendu recommandable par des aperçus analogues. Pour approfondir et bien connaître l’homme il ne suffit donc pas de le voir dans le plein exercice de sa raison ; il faut le suivre dans toutes les maladies de son esprit ; l’homme privé de sa puissance intellectuelle est encore un sujet de médita- tion pour le métaphysicien qui veut juger sainement de la nature et de l’importance de ses attributs moraux.
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXXj
sen départir ; dans ce cas , cette faculté est tout-à-fait soustraite à l’empire de la vo- lonté : elle constitue alors ce triste état de notre système sensible désignerons le nom
de monomanie . On vient quelquefois à bout
*
de suspendre , par une perturbation salutaire, cette attention forcée et maladive ; mais celui qui s’en trouve atteint ne tarde pas à y être ramené par un penchant irrésistible ; tels sont, par exemple , les individus qu’un excès de su- perstition égare , qui se croient irrévocable- ment damnés ou poursuivis par un esprit malin.
C’est, un fait remarquable dans l’histoire du cœur humain, que cette attention pour ainsi dire maniaque, qui se dirige avec tant de force vers certaines choses de la vie. Quelques hommes ont la manie des livres ; • quelques autres ont la manie des tableaux ;
XXXij CONSIDÉRATIONS PRELIMINAIRES
certains s’attachent de préférence aux êtres viyans , et on en rencontre qui recherchent passionnément les oiseaux ou les quadru- pèdes : on connaît les habitudes des fous- tulipiers. Il semble que l’homme ne puisse rester dans le vague , et qu’il ait besoin d’être constamment fixé ou retenu par une idée do- minante. Cette concentration de toutes les facultés du système sensible vers un objet unique devient une passion violente que la raison ne saurait maîtriser.
La curiosité, que nous avons déjà repré- sentée comme le premier attribut intellec- tuel du système sensible, est le résultat dïm mouvement involontaire 5 mais il n’en est pas de même de l'attention, que nous di- rigeons à notre gré pour prendre connais- sance des objets qui nous intéressent. Le plus souvent elle seule nous fait apprécier
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXXlij
la différence et la conformité des choses;
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elle nous identifie avec ce que la nature a de plus secret. Sans elle, aucune idée po- sitive ne pourrait s’établir dans le cercle de la vie intérieure ; rien ne serait connu dans cette philosophie expérimentale , qui , au milieu de la civilisation , a tant favorisé le progrès des lumières.
Nul philosophe , du reste , n’a contesté les avantages de l’attention ; et de nos jours même un des esprits les plus clairs, les plus éminens dans la science de la métaphysique, nous montre cette faculté comme travail- lant en première ligne sur les matériaux de la sensibilité; comme le phénomène géné- rateur de toutes les merveilles de la pen- sée . Buffon a rendu un pareil hommage à ce noble attribut de l'intelligence, iors-
M. le professeur Laromiguière.
*• c
XXxiv CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES
qu’il a énoncé que le génie n’était que Y apti- tude a la patience , la persévérance d’un grand talent. 1
L’attention met tout à notre portée dans le monde des sciences; elle est au méta- physicien ce que le télescope est à l’astro- nome. Ajoutons qu’elle nous rapproche aussi de toutes les vérités morales; que l’art de diriger l’attention suppose nécessairement celui de rectifier les mauvais penchans , et que 5 sous ce point de vue , cette faculté est aussi favorable au perfectionnement de la vertu 5 qu’aux succès de l’esprit.
1 S’il n’est pas tout-à-fait exact de dire que la patience soit le génie , avouons du moins qu’aucune faculté n’est plus propre à faire valoir les produits de l’inspiration.
SUR LR SYSTÈME SENSIBLE.
XXXV
ARTICLE III.
D F. 1, A P E R C F, P T I O N.
C'est la perception qui , comme l’a dit Bossuet, imprime un caractère intellectuel aux impressions reçues. Elle suppose une certaine activité de l’esprit ; cette activité est nécessaire, en effet, pour atteindre le principe des choses , pour juger sainement de leurs rapports , pour saisir le lien par le- quel se tiennent les objets plus ou moins importans de la connaissance humaine.
La perception est donc cet acte de notre esprit qui fait que nous nous approprions, pour ainsi dire, les objets soumis à nos sens dans la sphère du monde extérieur. On a defini, ce me semble , d une manière trop vague , cette faculté si importante du système sensible , qui est d’autant plus ac-
xxxvj CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES
tiye , que l’attention a été plus vive et plus soutenue 5 car c’est la force cle l’attention qui détermine presque toujours la force de la perception.
Quand l’esprit est tendu et fixé sur un objet ? il en prend connaissance ; il en est diversement affecté : voilà la perception. Ce qu’on a écrit à ce sujet n’est donc point satisfaisant ; pour bien s’entendre , il suffit néanmoins de remonter jusqu’à l’origine du mot qui l’exprime.
Piien n’existe pour nous dans la nature qu’autant que nous le percevons ; il est de l’essence des êtres qui sont hors de nous de devenir dépendans de notre intelligence et de nos idées. La mollesse, la dureté, la douceur, la couleur, la saveur, etc. , se- raient milles sans la faculté qui soumet
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXXV1J
toutes ces qualités à l’activité du système sensible. Fermez vos yeux; boucliez vos oreilles ; les deux fonctions de ces organes de la vie extérieure cessent aussitôt pour vous : votre perception na plus lieu; vous n’en conservez que le souvenir.
Le mot perception s’applique principale- ment à la couleur ? a la forme , a la ligure , a la solidité , à l’étendue , à l’espace ; au temps , au repos, au mouvement, à l’action, etc. Non seulement ces idées nous frappent et nous affectent; mais nous avons la conviction quelles arrivent et se succèdent , avec un certain ordre , dans notre entendement. Nous les voyons se développer, s’éteindre , renaître pour s’évanouir encore.
Notre âme perçoit la moralité dune action , comme l’œil perçoit la lumière ,
XXXVÜJ CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES
comme Foreille perçoit les sons, etc. L’im- pression des objets moraux est donc aussi positive que celle des rayons solaires. L’esprit s’applique à tout } il perçoit des signes, il perçoit des rapports, il perçoit des images , il perçoit des jugemens. De tous les êtres animés , l’homme est celui qui exerce le plus de pouvoir sur ses idées.
Charles Bonnet regarde la perception comme l’effet de la réaction de l’âme sur les objets, quand ces objets ont affecté nos sens. Cette vue de l’esprit est très véritable, quoi qu’en disent les adversaires de cette opinion : car l’âme est certainement active dans le phénomène dont il s’agit ; et l’effet qui dérive de sa réaction est , dans tous les cas, un sentiment de peine ou de plaisir, quelquefois un état d’indifférence.
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
XXX IX
Lorsque j’assiste à un brillant spectacle , je rapporte à l’organe de la vue les objets qui sont devant moi , et qui modifient di- versement le principe intellectuel qui m’a- nime ; quand je suis dans un parterre émaillé de fleurs odorantes , je rapporte instantané- ment ce que j’éprouve à mon organe olfac- tif ; je le caractérise , et je me distingue alors complètement des objets qui produisent une impression si agréable sur le système sen- sible. Personne n’ignore d’ailleurs que la sensibilité peut, dans quelques circonstances, transformer la perception la plus calme en un mouvement très passionné.
Le plaisir naît souvent de la multiplicité des impressions que les objets produisent sur nous. Addison remarque que les per- ceptions agréables qui nous arrivent par plusieurs sens à la fois , se donnent plus de
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iorce 5 et 7 pour ainsi dire ? plus de relief. C'est ainsi que la musique vient rehausser la beauté d’un spectacle qui s’offre à nos regards • c’est ainsi que les fleurs charment à la fois l’odorat et les yeux ; et que la vue est doublement réjouie par des couleurs vives qui forment des contrastes plus ou moins prononcés.
Il dépend de nous de diriger notre esprit vers un objet 5 mais il ne dépend pas de nous de percevoir toutes les sensations que peut faire naître en nous la présence de cet objet. Il suit de là que la faculté percevante s’ac- croît et se perfectionne en raison directe de la délicatesse ou de la finesse de nos sens 5 c’est ainsi que le sauvage dans sa pirogue aperçoit les rivages de la mer à des distances qui nous étonnent.
Il est des esprits qui ne possèdent qu’à un
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très faible degré le don de percevoir, qui ne saisissent les objets que par un petit nombre de leurs faces ; tandis qu’il en est de très puissans , qui embrassent l’universalité des choses. Il est certains malades dont les perceptions sont erronnées ; des fantômes s’interposent entre notre âme et nos sens. L’idiot perçoit des impressions, mais il ne saurait leur donner le caractère de l’intellec- tualité.
L’homme a néanmoins perfectionné cette belle faculté de son entendement : il a recours à des règles , à des procédés ; il a agrandi l’art de percevoir par ses instrumens et ses méthodes. Quand on voit la science de très haut, quand on l’embrasse dans son en- semble, on étonne les esprits vulgaires par une prévision qui est en quelque sorte prophétique. On aperçoit toutes les
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lacunes qui sont à remplir, et on mesure tous les points de ce monde nouveau, sur lesquels notre esprit sait exercer son acti- vité.
La faculté de la perception est si impor- tante , que la régularité des fonctions intel- lectuelles en est, pour ainsi dire, dépendante ; c’est par elle , en effet , que nous apprenons à apprécier avec plus ou moins de justesse les divers genres de beauté et de perfection qui viennent frapper nos yeux dans la nature extérieure ; c’est à sa culture que se rattache incontestablement la théorie du goût, qui règle, modère ou affermit nos décisions dans les jugemens littéraires ; de cet instinct si prompt et en même temps si délicat, qu’on voudrait en vain définir, qui puise son infaillibilité dans les qualités du système sensible , et qu’un écrivain de notre
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temps appelle ingénieusement la conscience de l’esprit . 1
Quelques auteurs n'usent du mot percep- tion que pour exprimer la faculté de distin- guer du sentiment de notre existence des mo- difications de râme qui ne sont accompa- gnées ni de peine ni cle plaisir ; ils prétendent que les modifications affectives sont mieux indiquées sous le nom spécial de sensations . Je remarquerai à ce sujet que les philo- sophes devraient s’accorder pour l’adoption définitive de certains termes qui ont pour obj et de désigner les phénomènes de la pensée.
La langue adoptée dans un pays est une propriété commune à tous les savans ; il n’appartient à personne de l’altérer, et de
1 Caractères et Réflexions morales, par M. le vicomte cle L.-C.
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pervertir des acceptions consenties depuis long-temps par les peuples éclairés ; car alors on assemble des nuages sur la science , et on obscurcit la matière qui a le plus d'attrait pour l’esprit humain.
C’est , sans contredit , une des facultés les plus remarquables de notre âme que celle qui s’empare de tous les matériaux de la pensée y qui établit nos relations avec ce vaste univers ? et nous dispose ainsi aux plus nobles jouis- sances de l’esprit. Jusqu’ici pourtant nous n’avons présenté l’homme vivant que par sa surface ; jetons maintenant un coup d’œil rapide sur les principaux phénomènes inté- rieurs dont se compose le système sensible. Il est au fond des cœurs des notions positives qui servent de fondement au système de notre raison ; ces notions constituent les v rais p h i 1 osophes .
SUR LE SYSTÈME SENSIBLE.
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SECONDE PARTIE.
DE LA VIE INTÉRIEURE DU SYSTEME SENSIBLE, ET DES
ATTRIBUTS INTELLECTUELS QUI S Y RATTACHENT.
Désirer , chercher, fixer, percevoir, tels sont les attributs intellectuels du système sensible considéré dans le monde extérieur; mais des phénomènes plus importans se passent au-dedans de nous. L’homme se replie sur lui-même ; il descend dans le fond de son être pour étudier les mouvemens de son âme tranquille ou agitée ; sa langue s’arrête ; sa vue se ferme : il cesse d’écouter